La ménagerie de papier – Ken Liu – Passe le Bonjour à Marcel

Vous avez envie de voyager dans le temps ou de choisir de vous effacer la mémoire? Vous avez envie de choisir votre futur? Alors plongez dans le lecture de la « Ménagerie de papier ».

4ème de couverture
« Elle plaque la feuille sur la table, face vierge exposée, et la plie. Intrigué, j’arrête de pleurer pour l’observer. Ma mère retourne le papier et le plie de nouveau, avant de le border, de le plisser, de le rouler et de le tordre jusqu à ce qu’il disparaisse entre ses mains en coupe. Puis elle porte ce petit paquet à sa bouche et y souffle comme dans un ballon. «Kan», dit-elle. «Laohu». Elle pose les mains sur la table, puis elle les écarte. Un tigre se dresse là, gros comme deux poings réunis. Son pelage arbore le motif du papier, sucres d’orge rouges et sapins de Noël sur fond blanc. J’effleure le petit animal qu’a créé Maman. Il remue la queue et se jette, joueur, sur mon doigt… »

Ce que j’en ai pensé?
J’ai découvert l’écriture de Ken Liu il y a peu avec son court roman « L’Homme qui mit fin à l’histoire« . J’ai été surprise par la qualité de son écriture et la construction des univers. Alors me plonger dans le recueil des 19 nouvelles se faisait avec un certain enthousiasme. Et qu’elle plaisir cela a été de tourner les pages. Le jeune auteur s’essaie à tous les styles et avec une aisance surprenante. Ce n’est pas pour rien qu’il collectionnent les distinctions et prix littéraires. Pour l’étonnante nouvelles « Ménagerie de papier », qui a donné le nom au recueil, il a reçu les prestigieux prix Hugo, le Nebula et le World Fantasy. Une première pour ce genre de texte. C’est d’ailleurs mon récit préféré car il y a d’un côté un soupçon de fantaisie avec des personnages de papiers qui prennent vie. Et de l’autre côté, un soupçon de récit réaliste avec la rupture de communication entre un fils et une mère et une remise en cause de ces origines. On retrouve une poésie touchante qui fait résonner notre fibre sensible. (On peut lire cette nouvelle en version originale ici)

On retrouve quelques thématiques en fil conducteur au travers les histoires tel que la différence de culture, l’amour, la mémoire ou le langage. Certaines nouvelles ne m’ont pas laissé insensible et renvoient à des interrogations assez modernes. Qu’elle sera la place de la machine dans l’avenir? Sera t’elle sous forme de robot qui ressemble à des humains? Serait-elle une voie qui nous accompagnera et qui saura nous dire quoi acheter ou manger?

Qu’elle sera l’avenir de la Terre si une guerre devient mondiale? Il faudra alors prévoir une machine pour voyager dans l’espace. Et pourquoi pas aussi tout faire pour aller peupler une nouvelle planète. Si une peuplade est déjà installée, ne faudra t’il pas alors l’assouvir pour éviter que cela soit son peuple et sa culture qui règne en maître? Des questions qui ont des échos avec des projets comme aller sur Mars par exemple.

Et la science dans tout ça?
Renaissance : Suite à une guerre sanglante avec des aliens, les Tawins, la terre doit changer son mode de vie pour vivre en paix. Les extraterrestres impose leur mode de fonctionnement. Quand les humains agissent mal on leur enlève d’une part leurs souvenirs liées à l’acte négatif. D’autre part, on lui retire ce qu’il y a mauvais en lui pour en faire juste une bonne personne. Mais que reste t’il de l’individualité par la suite? Comment définir des humains parfaits? Faut-il oublier les horreurs du passé pour avancer?
Un sujet d’actualité.

Emily vous répond : Cette nouvelle est aussi orientée vers la mémoire. Emily souhaite oublier que son copain est l’ex de sa meilleure amie. Faut-il oublier cette information pour se sentir mieux?
Le choix de pouvoir oublier ce que l’on souhaite fait partie des réflexions modernes. Faut-il effacer de sa mémoire les traumatismes? Jusqu’où pourrait-on aller?

Les Algorithmes de l’amour : Une entreprise innove sur le marché avec des poupées qui arrivent à interagir avec des humains que cela voit à travers le vocabulaire ou soit via le regard.
Le test de Turing est évoqué tout comme la chambre chinoise de John Searle.
Une vision de l’IA qui nous plonge dans des questions d’actualité.

Faits pour être ensemble : Cette nouvelle montre l’importance que peut prendre l’assistante de vie lié à notre ordinateur. L’Homme est-il encore compétent à faire des choix seuls quand ils ne sont pas orientés par la machine? Est-il encore compétent à se poser des questions? Peut-il sortir d’un schéma de consommation?
On trouve déjà ce genre de recommandation avec des sites de rencontres par exemple. Il y a même des centres commerciaux qui proposent via les téléphones portables et les écrans dans le magasin des produits adaptés à l’historique de consommation. Les réseaux sociaux ne poussent-ils vers des sites adaptés à nos visites en ligne et que dire de Google?

Trajectoire : La technologie avance et on trouve le moyen de régénérer les cellules. Il est possible de plus vieillir et de rester avec sa famille à travers les générations.
On trouve une illustration très intelligente du thème de l’immortalité. Un rêve ultime des scientifiques. On choisira alors quand on veut mourir et si on veut mourir.

Les Vagues : La technologie permet de devenir immortel. Le temps passe et les techniques pour conserver sa vie change pour se métamorphoser en machine. L’avenir de l’homme n’est-il pas de devenir une machine?

L’Oracle : L’Oracle permet de donner une image du futur. Les destins sont alors changés. Mais faut-il emprisonner les Hommes en prévision des meurtres qu’ils vont commettre?
Une thématique dans la science prédictive qui a inspiré déjà beaucoup de romans et de films comme par exemple Minority report.

Le Peuple de Pélé : Une mission internationale fuit la planète terre qui est au bord du gouffre pour peupler une autre planète très lointaine. On la croyait inhabitée mais des recherches montrent une forme de vie extraterrestre particulière. La science est à réinventer avec des nouvelles bases.

Une lecture très agréable avec des nouvelles riches et variées qui mêlent l’émotion au suspens. Que vous soyez ou non fan de SF, tentez l’expérience qui vous emmènera vers mille et uns chemins de l’imagination.

Lire une interview de l’auteur sur Actusf

Traduit de l’américain par Pierre-Paul Durastanti
Illustration de couverture par Aurélien Police
Grand Prix de l’Imaginaire 2016